Nouvelles

 

31 mai 2021


La pandémie de la COVID-19 frappe plus fort les zones urbaines et les femmes


En juin de l’an passé, nous avions analysé les principaux mécanismes par lesquels la pandémie de la COVID-19 allait provoquer une crise alimentaire [lire]. Nous avions averti que ce serait les plus pauvres et les plus vulnérables qui seraient les plus durement touchés et que l’impact serait ressenti davantage en milieu urbain, que rural [lire].


Pauvreté et faim


On découvre, peu à peu, les données sur la magnitude de l’effet qu’a la pandémie sur la pauvreté et la faim dans le monde. Ce sont là encore des chiffres qui sont très globaux, ou, au contraire, très partiels. Mais la direction et l’importance de ce qui se passe ne peuvent pas être niées.


La Banque mondiale a publié des estimations globales avançant que la COVID-19 a précipité 120 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté extrême en 2020 [lire en anglais]. Il est, bien entendu, bien trop tôt pour dire quel sera son effet en 2021 dans des pays comme l’Inde ou le Brésil, qui sont particulièrement frappés par la pandémie. Les prévisions de la FAO fixent entre 80 et 130 millions le nombre de personnes supplémentaires en situation d’insécurité alimentaire du fait de la crise [lire].


Partout, des ménages ont connu une baisse de leurs revenus, mais elle a été fortement amortie dans les pays les plus riches qui ont mis en œuvre des mesures sociales sans précédent.


Grâce à des interviews téléphoniques, la Banque mondiale a trouvé que, là où elle a mené ses enquêtes, plus de la moitié des familles ont déclaré avoir souffert d’une chute de leur revenu. Leur proportion a atteint jusqu’à 85 % au Sénégal. Sans surprise, ce sont les zones urbaines qui ont été les plus touchées, et tout particulièrement les ménages dépendant d’emplois informels [lire en anglais].


Les zones urbaines plus touchées


L’impact a été si fort que, dans certains pays, la pauvreté est devenue presque aussi répandue en milieu urbain qu’en milieu rural. Les chiffres officiels publiés par quatre pays d’Amérique latine (Colombie, Costa Rica, Équateur et Paraguay) témoignent clairement de cette évolution.


En Colombie, on a constaté une hausse significative de la pauvreté urbaine, alors que la situation s’améliorait légèrement dans les campagnes. Pour la première fois, la prévalence de la pauvreté dans les villes est semblable à celle observée dans les zones rurales.


Le même phénomène s’est produit au Costa Rica. En Équateur, la pauvreté a augmenté plus vite en ville qu’à la campagne. Au Paraguay, la prévalence de la pauvreté rurale est restée presque inchangée, tandis que la situation s’est aggravée en ville.




Les situations contrastées de l’Inde et de la Chine


Le Pew Research Center a utilisé les données PovcalNet de la Banque mondiale pour comparer l’impact de la pandémie et de la récession mondiale qui en découla en 2020 dans les deux géants asiatiques, la Chine et l’Inde.


En Chine, où le PIB a crû de 2 % en 2020, le Centre a estimé que les pauvres n’ont augmenté que d’un million de personnes, alors qu’en Inde, où le PIB a chuté de 9,6 %, le nombre de pauvres a grossi de 75 millions.


Variation de la taille des groupes de revenu

due à la récession mondiale de 2020 (Inde et Chine)



Source: Pew Research Center      télécharger le fichier: IndeChine.jpg


L’aggravation de l’insécurité alimentaire


En même temps que la pauvreté augmentait, les prix des produits alimentaires connaissaient une hausse de 38 % depuis le début de 2020. Les interviews téléphoniques de la Banque mondiale ont montré qu’un nombre significatif de personnes manquent de nourriture ou se voient obligées de réduire leur consommation alimentaire. Cela confirme au niveau microéconomique la direction des estimations mondiales faites par la FAO.


Les chiffres relatifs à la sécurité alimentaire publiés récemment par Le réseau de systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWS NET) illustrent le niveau sans précédent de la crise de sécurité alimentaire actuelle, avec des situations comparables, dans certains pays, à celles trouvées dans des situations de famine.


Les Objectifs de développement durable (ODD) paraissent hors d’atteinte


Si l’on se réfère au passé, on peut s’attendre à ce qu’il faille du temps pour que l’économie mondiale se rétablisse du choc causé par la crise de la COVID-19, puisque la pandémie risque fort faire entrer le monde dans le cercle vicieux à moyen et long terme liant la pauvreté, les inégalités et l’insécurité alimentaire. Ses conséquences pourraient également miner la cohésion sociale, nourrir les tendances nationalistes et protectionnistes et, dans le pire des cas, mener à des troubles et des violences, comme c’est le cas, par exemple, en Colombie [lire].


Déjà avant la pandémie, le monde n’était pas sur la voie permettant d’atteindre les ODD. Maintenant, leur réalisation est devenue virtuellement impossible et les Nations Unies ont fait savoir qu’ils ne pourraient être remplis que s’il se produisait « un miracle de la pauvreté » - un scénario d’une croissance annuelle sans précédent de près de 10 % du PIB par personne et une réduction des inégalités dans tous les pays à revenus bas ou moyens [lire en anglais].


Les femmes au premier rang des victimes de la pandémie


La pandémie a également davantage frappé les femmes que les hommes. Ceci est dû au fait que les femmes ont plus d’emplois informels et qu’elles sont plus impliquées dans les services que les hommes. Et ce sont précisément le secteur informel et les services qui ont été plus touchés par la crise causée par la COVID-19. D’abord, parce que les personnes actives dans les services et le secteur informel (par exemple le petit commerce de rue) ont été particulièrement handicapées par les confinements, ensuite, dans la mesure où les travailleurs informels n’ont pas pu bénéficier de la plupart des mesures de protection sociale mises en œuvre par certains gouvernements.


Par conséquent, les revenus des femmes travaillant dans le secteur informel diminuèrent fortement pendant la pandémie et beaucoup perdirent leurs emplois dans le secteur des services, plus que les hommes [lire]. En outre, il apparaît clairement que la baisse des revenus, les confinements et l’insécurité alimentaire ont causé une recrudescence des violences domestiques.


Dans cette situation, la solidarité internationale est plus indispensable aujourd’hui que jamais. Elle doit s’exprimer tant au niveau sanitaire (assurer la disponibilité de vaccin pour la population des pays pauvres) qu’économique.



—————————————

Pour en savoir davantage :


  1. Kochhar, R., In the pandemic, India’s middle class shrinks and poverty spreads while China sees smaller changes, Pew Research Center, 2021 (en anglais).

  2. Lakhner et al., Updated estimates of the impact of COVID-19 on global poverty: Looking back at 2020 and the outlook for 2021, World Bank Blogs, 2021 (en anglais).

  3. FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2020. Transformer les systèmes alimentaires pour une alimentation saine et abordable. Rome, FAO. 2020.

  4. World Bank. Poverty and Shared Prosperity 2020: Reversals of Fortune. Washington, DC: World Bank, 2020 (en anglais).



Sélection de quelques articles parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. COVID-19 et crise alimentaire : les principaux mécanismes à l’œuvre, 2020.

  2. COVID-19 et nourriture - La pandémie risque d’entraîner une crise alimentaire majeure, 2020.

  3. L’urbanisation de la faim : l’exode rural pousse la faim vers les villes, 2019.

  4. Le creusement des inégalités dans le monde constitue une menace pour la stabilité sociale et politique, 2017.

  5. La vérité sur les crises alimentaires : la responsabilité accablante de politiques économiques désastreuses, 2012.

 

Pour vos commentaires et réactions : lafaimexpl@gmail.com

Dernière actualisation :    mai 2021