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8 septembre 2013


Les deux discours sur le développement agricole en Afrique


La semaine dernière s’est tenu à Maputo au Mozambique le Forum sur la révolution verte africaine 2013.


Sponsorisé par diverses organisations internationales (FAO, FIDA), régionales (Alliance pour la révolution verte en Afrique, Banque Africaine de Développement, NEPAD, Union Africaine), la Fondation Rockefeller, la Confédération des syndicats agricoles d’Afrique Australe (SACAU) et plusieurs compagnies multinationales (Yara et OCP - engrais, Syngenta - semences), le forum avait pour objectif de rassembler des leaders de toutes les parties prenantes au développement agricole de l’Afrique pour faire le point de la situation et réfléchir sur trois thèmes principaux:


  1. Le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) et les questions relative au développement des partenariats public-privé dans les 10 ans à venir

  2. Les modèles inclusifs d’activité: comment inclure les petits paysans dans l’agriculture commerciale et les filières agroalimentaires

  3. Les modèles de financement innovant pour stimuler la croissance et le développement des filières.


Les sponsors de ce Forum, et notamment l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA) soutenue par les fondations nord-américaines Gates et Rockefeller, persistent à vouloir promouvoir l’application du modèle de la révolution verte en Afrique, qui, bien qu’ayant été à la base d’une augmentation remarquable de la production agricole en Asie, a eu des conséquences dévastatrices sur l’environnement et la paysannerie asiatique, et alors que les tentatives faites pour le mettre en oeuvre sur le continent africain au cours des trois dernières décennies ont toutes été des échecs cuisants, même du point de vue de la production.


Derrière les discours apparemment unifiés se référant notamment au cadre offert par le PDDAA, des approches très différentes s’affrontent:


  1. Une approche plus «traditionnelle» qui donne la primauté au rôle de l’Etat dans le développement et s’appuie plutôt sur le développement de l’exploitation familiale. Cette approche est illustrée par le nouveau mouvement qui s’observe en faveur de la création de banques de développement agricole en vue de financer des achats d’équipements agricoles par les agriculteurs. La Tanzanie vient ainsi de créer récemment la Tanzania Agriculture Development Bank (TADB) et cette création a été applaudie par le Forum. Cette approche est également vue favorablement par les organisations professionnelles agricoles, notamment le ROPPA, qui défendent avant tout l’exploitation familiale comme unité de base de la future agriculture africaine face à l’intérêt croissant des multinationales pour l’Afrique et au mouvement d’accaparement des terres.

  2. Une approche «innovante» s’appuyant sur les opérateurs privés et cherchant à mobiliser des investissements effectués par des multinationales - sous forme ou non de joint ventures ou de partenariats public-privé -, des banques ou des fonds d’investissement étrangers, et à développer des modalités simplifiées facilitant la participation d’une part croissante de la population locale au secteur financier formel (ouverture facilitée de comptes en banque, utilisation des téléphones portables, etc.) [lire sur l’exclusion financière et sur les investisseurs privés en Afrique]. Un des exemples emblématiques de cette approche est la compagnie Export Trading Group (ETG) basée en Tanzanie, active dans 29 pays, dont la plus grande partie des activités est en Afrique et qui vient de bénéficier d’un apport de capital de la part du Carlyle Group, un des plus grand fonds d’investissement privé. Cette approche est fortement soutenue par la Banque mondiale [lire]


On voit bien que les jeux ne sont pas encore faits entre ces deux approches qui s’affrontent sur le continent. Il suffit de voir la tonalité changeante des discours sur le développement agricole en Afrique qui tour à tour semblent pencher d’un côté ou de l’autre.


(à suivre)


Lire aussi:


  1. -Le cas de la Tanzanie: Brian Cooksey, The Comprehensive Africa Agriculture Development Programme (CAADP) and agricultural policies in Tanzania: Going with or against the grain, Future Agricultures March 2013 (en anglais seulement)

  2. -Faim, marché et bons sentiments: comment la faim nourrit les profits des multinationales www.lafaimexpliquee.org


 

Dernière actualisation:    septembre 2013

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