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Lutter contre le changement climatique au quotidien


par Materne Maetz




Comment faire ?


Comme de plus en plus de personnes, vous êtes préoccupés par le dérèglement climatique et ses effets délétères dont les médias vous entretiennent quotidiennement et que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a décrits en détail dans ses rapports successifs [lire].


Vous savez que pour éviter que le climat ne se dérègle trop, ce qui multiplierait les catastrophes économiques et écologiques, il est urgent de diminuer les émissions de nos gaz à effet de serre (GES). On parle beaucoup des engagements de réduction pris par les États lors de la COP21, tenue en France en 2015, et l’on parle du Pacte vert pour l’Europe et, en France et ailleurs, de plans de relance post COVID-19 qui, souvent, ont une composante visant à financer la transition écologique et la décarbonation de nos économies. Les experts s’affrontent savamment sur les médias pour vous convaincre, les uns, que la lutte contre le changement climatique est la responsabilité de l’État, les autres, que c’est le secteur privé qui doit prendre la direction des opérations.


Mais vous (et vos proches), que pouvez-vous faire ? Comment pouvez-vous participer individuellement et efficacement à la lutte contre le changement climatique ? Comment pouvez-vous mettre en relation ce que vous faites au quotidien avec tout cela et devenir acteur des transformations indispensables?




Tout le monde ou presque est d’accord pour dire que nous devrons modifier nos comportements et investir personnellement pour contribuer à cette lutte, en mangeant différemment, en nous déplaçant autrement, en concevant de nouvelles formes de loisirs et en améliorant notre habitat, notamment.


Savez-vous seulement combien de GES vous émettez chaque année ? Savez-vous quelle est la dimension de votre vie qui vous en fait émettre le plus ( est-ce l’alimentation, les voyages  ou le chauffage ?) et dans laquelle vous pourriez diminuer vos émissions avec plus de facilité ? Pouvez-vous, aujourd’hui, anticiper quel serait l’impact qu’un changement de votre comportement aurait sur les GES que vous émettez ?


À moins que vous ne fassiez partie d’une infime minorité, la réponse est non, car vous ne pouvez répondre à ces questions pourtant essentielles Pourtant, elles demandent une réponse si vous voulez réellement participer activement à la lutte contre le dérèglement climatique dans votre quotidien. Manifester dans la rue, cliquer sur Internet, regarder des documentaires, écouter et participer à des débats, c’est bien ; mais agir dans le quotidien, c’est beaucoup mieux !


Une grande diversité de points de départ


Les vies que nous menons, les uns et les autres, sont si différentes (que nous soyons riches ou pauvres, urbains ou ruraux, jeunes ou vieux, etc.), qu’il n’y a pas une solution générale au problème. Quelques chiffres suffisent pour illustrer ce propos.


Selon les chiffres publiés dans « Chiffres clés du climat » par le Commissariat général au développement durable, en France, le monde a émis, en 2017, 53,5 milliards de tonnes d’équivalent CO2, soit en moyenne environ 7 tonnes par personne et par an (en comptabilisant toutes les formes d’émissions, y compris celle découlant de l’utilisation des terres et des changements d’affectation des terres et foresterie). Les variations entre pays sont énormes : par exemple, au Qatar, l’émission moyenne par habitant et par an est de 50 tonnes d’équivalent CO2, au Yémen, elle est seulement de 2 tonnes. En Amérique du Nord, elle est de plus de 20 tonnes en moyenne, et en Europe un peu moins de 15 tonnes. L’origine des émissions varie également considérablement d’un pays à l’autre. Par exemple, si l’on compare la France et la Chine, en France seuls 11 % des GES sont dus à la production d’électricité, contre 47 % en Chine, alors que le transport pesait 42 % en France, contre 9 % en Chine.


Ces quelques chiffres montrent que la réduction des émissions de GES pose des problèmes différents d’un pays à l’autre.


Un aspect généralement négligé (notamment dans « Chiffres clés du climat »), mais essentiel, est qu’il existe également de grandes disparités de total et d’origine des émissions de GES à l’intérieur d’un pays donné, notamment en fonction des caractéristiques socio-économiques de chacun (revenu, lieu de résidence, âge, etc.). Les chiffres illustrant ces variations sont rares, mais il suffit d’imaginer les montants des GES (et leur origine) émis par le multimilliardaire Bill Gates et le SDF marseillais Bertand Duchmolle, pour comprendre que la taille de la résidence et la fréquence des voyages aériens du premier généreront des émissions bien plus grandes que celles générées par le second. Quelques rares études démontrent une grande diversité (voir par exemple ici et ici en anglais) et, ce qui ne surprendra personne, que les riches émettent plus de GES que les pauvres.


Ces chiffres nous indiquent donc qu’il semble indispensable de regarder la situation de tout un chacun, et non d’envisager un ensemble de recettes si générales qu’elles n’ont pas de sens dans notre quotidien.


Que faut-il savoir pour adopter une approche personnalisée respectant les préférences de chacun ?


Le problème, comme déjà signalé dans l’introduction de cet article, c’est qu’individuellement, nous n’avons pas les informations requises pour pouvoir choisir ce que nous devons modifier dans notre style de vie individuel pour être en mesure de contribuer de la façon la plus efficace — et la plus acceptable pour chacun de nous — à la lutte contre le changement climatique.


Quelle information nous faudrait-il pour que chacun de nous puisse décider ?

Elle est de deux types :


  1. Un état des lieux, c’est-à-dire le niveau de nos émissions individuelles (ou familiales) de GES avec des indications sur la structure nous permettant de savoir quelles sont nos activités les plus émettrices de GES ;

  2. Des données sur les alternatives possibles nous précisant le niveau de diminution d’émissions de GES que nous pouvons réaliser en changeant un comportement donné : combien de réduction en voyageant en train plutôt qu’en avion ou en transport en commun plutôt qu’en voiture individuelle ? Combien de réduction en isolant notre habitat ? En remplaçant dans notre alimentation les protéines animales par des protéines végétales ? etc.


En d’autres termes, il nous faudrait avoir un compte détaillé de nos émissions de GES et une documentation permettant de juger et de choisir parmi les multiples façons de limiter volontairement nos émissions, celles qui sont les plus acceptables pour nous. 


Comme nous l’avions indiqué et discuté dans un article précédent [lire], les conditions pour l’établissement et l’actualisation en temps réel d’un tel compte sont déjà largement remplies. En France, il suffirait d’investir une infime partie des 30 milliards d’euros du plan « France-Relance » inscrit sous l’objectif de « verdir l’économie française » pour :


  1. Développer une application pouvant piocher là où elles se trouvent les données nécessaires pour établir nos comptes (chez notre banque et chez nos principaux fournisseurs) à partir des éléments les plus importants de notre consommation, tout en assurant leur confidentialité.

  2. Calculer les normes relatives aux GES émis pour chacune des composantes de notre consommation. Ces normes pourraient être des approximations grossières au départ qui seraient affinées progressivement pour couvrir nos GES de manière plus précise et plus exhaustive.

  3. Préparer une documentation explicative permettant à chacun de comprendre l’effet sur les GES émis qu’aurait une modification de comportement éventuellement envisagée.


Ainsi équipés, nous serions en mesure d’appréhender concrètement ce que lutter contre le changement climatique implique et d’agir effectivement dans notre quotidien selon nos préférences et nos possibilités.


L’idée est lancée telle une bouteille à la mer.

Espérons que quelqu’un la repêchera avant qu’il ne soit trop tard, et qu’il ne sera pas nécessaire d’attendre la montée du niveau de la mer pour la voir réapparaître dans notre quotidien avec une force et une urgence extrême qu’il s’agit absolument d’éviter à tout prix.



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Pour en savoir davantage :


  1. Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du climat, 2020.

  2. Accord de Paris, 2015.



Sélection de quelques articles récents parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. Opinions : Condamnés à l’utopie ? Climat et démocratie : changer de paradigme pour préserver l’environnement et notre avenir, par Materne Maetz, 2020.

  2. Opinions : Le dur retour de la réalité - Réflexions autour de la crise de la COVID-19 par Materne Maetz, 2020.

  3. Avec le dérèglement climatique, la sécurité alimentaire exigera la modification des comportements alimentaires, le développement de technologies appropriées et la mise en œuvre de politiques économiques adaptées, 2019.

  4. Politiques pour une transition vers des systèmes alimentaires plus durables et plus respectueux du climat, 2018.

  5. Alimentation et dérèglement climatique - Consommateurs et producteurs, ensemble agissons pour changer notre système alimentaire, 2018.

  6. Le climat change, l’alimentation et l’agriculture aussi - Vers une « nouvelle révolution agricole et alimentaire », 2016.

 

Dernière actualisation: septembre 2020

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