Opinions

 

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(voir remarques d’un lecteur en bas de texte)



La pertinence potentielle de l’expérience du Kenya

pour penser l’aide à l’Afrique

(avec quelques réflexions sur des questions démographiques)



par Andrew MacMillan*



En août 2021, alors que les États-Unis et le Royaume-Uni se pressaient pour évacuer leurs compatriotes hors d’Afghanistan, William Hague, ancien ministre des Affaires étrangères britannique et leader du Parti Conservateur, rédigeait une chronique pour le Times de Londres, bizarrement intitulée “Africa will make Afghan crisis seem a sideshow“ (L’Afrique nous fera prendre conscience que la crise afghane n’est qu’un événement mineur).  


Après la récente débâcle en Afghanistan, on voit difficilement comment Hague peut prétendre légitimement que « l’Ouest » est apte à assumer « un rôle colossal pour orienter les choses dans la bonne direction » en Afrique. La grande leçon de l’Afghanistan est sans nul doute que les pays qui se respectent sont profondément indignés d’être bousculés par « l’Ouest » et encore moins par un « Global Britain » autoproclamé qui a fait des coupes sombres dans son budget d’aide, se querelle délibérément avec ses voisins les plus proches, créé un environnement hostile pour les candidats étrangers à la résidence, et qui a perdu une grande partie de sa réputation de partenaire fiable.




Hague pointe l’Afrique comme une menace pour la future stabilité mondiale essentiellement sur la base de projections récentes qui indiquent que la population africaine augmenterait de plus 1,1 milliards de personnes au cours des 30 prochaines années, ce qui ferait que le continent aurait en 2050 une population trois celle de l’Europe où les chiffres diminueraient. « Une croissance aussi forte de la population, écrit-il, signifie que l’Afrique deviendrait un tel succès qu’elle sortirait plus de gens de la pauvreté que même la Chine au cours des 40 ans passés, ou une telle déception que les migrations hors du continent, des centaines de fois plus importantes que ce qui s’est jamais vu à ce jour, domine le débat politique en Grande-Bretagne et dans le reste de l’Europe. Quoi qu’il arrive, c’est là un des événements principaux du XXIe siècle - et cette fois-ci, nul ne pourra prétendre qu’on ne l’a pas vu venir. »


Mes pensées se sont tournées vers le Kenya où voilà 20 ans j’avais été invité par une communauté rurale très pauvre mais courageuse, à mobiliser de l’argent pour les aider à créer de nouvelles opportunités éducatives qui offriraient une vie meilleure à la jeune génération. À l’époque, environ un tiers des enfants de la communauté de Got Matar étaient des orphelins, victimes de l’épidémie dévastatrice du VIH/SIDA qui a connu son pic au début du siècle, mais dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Par ses efforts, la communauté a rénové ses 10 écoles primaires, a créé une nouvelle école secondaire mixte qui reçoit aujourd’hui 1240 élèves, et a fondé un Institut de Technologie offrant des formations dans des compétence pratiques qui sont fortement demandées alors que l’économie croît et se diversifie.


L’expérience acquise en travaillant avec la communauté de Got Matar sur leur petit programme m’a convaincu que, même dans les conditions de pauvreté les plus grandes en Afrique, la capacité institutionnelle existe de « sortir plus de gens de la pauvreté ». Au niveau national, en dépit de nombreux obstacles, le Kenya montre également comment un pays africains de taille moyenne peut progresser avec un certain succès, grâce principalement à ses propres ressources et ses capacités institutionnelles.


La principale leçon de Got Matar et de beaucoup d’autres activités de développement dans lesquelles j’ai été engagé au cours de ma vie professionnelle, est que l’aide extérieure peut être précieuse mais ne réussira que si elle est conduite par une véritable demande de la part des personnes qui doivent en bénéficier, et non pas quand elle est imposée par des étrangers.


Hague commence du mauvais pied en supposant que « l’Ouest » devrait pousser les « choses » dans ce qu’il pense être « la bonne direction », plutôt que s’informer sur le type d’aide que les pays africains recherchent. Sa motivation principale ne semble pas être une préoccupation par rapport aux moyens d’existence des Africains, mais une peur que les forts taux de croissance de la population en Afrique pourraient menacer les pays riches d’un afflux massif de migrants.


Qu’est-ce qui fait évoluer les taux de croissance de la population ?


Puisque Hague met en avant la question démographique, il est nécessaire de réfléchir un peu sur les ressorts de la croissance de la population.


Quand j’ai visité le Kenya pour la première fois, au cours des années 1990, des paquets de préservatifs étaient disponibles dans les toilettes pour hommes des administrations, prouvant visiblement l’engagement du gouvernement envers le planning familial. Depuis lors, j’ai appris que la simple fourniture de moyen de contraception - surtout aux hommes - a peu d’effet sur l’évolution de la population :


  1. Le taux de croissance démographique d’un pays résulte d’un changement de comportement de millions d’individus dans la mesure où cela a trait à l’aspect le plus intime de leur vie - essentiellement leur activité sexuelle, leur aspiration à avoir des enfants et l’accès aux moyen de réduire le taux de conception.

  2. Le principal déterminant du taux d’augmentation ou de diminution de la population est le taux de fécondité, c’est-à-dire le nombre total d’enfants par femme si elle vit jusqu’à la fin de la période où elle est susceptible d’avoir des enfants. Ce chiffre peut changer très rapidement, comme le montre mon pays natal (le Royaume-Uni) ou ce nombre total est passé de 2,8 en 1963 à 1,8 en 1978. En juste 15 ans, le Royaume-Uni est passé d’un pays où la population augmentait de manière significative, à un pays où la population née localement finirait par commencer à diminuer.

  3. Dans les pays qui ont un nombre total d’enfants par femme élevé pendant une longue période, la population continuera à croître pendant de longues années après que ce nombre a diminué sous celui qui assure un remplacement de la population, parce que le nombre de personnes en âge d’avoir des enfants augmentera encore - à moins qu’il ne se produise un événement provoquant une forte mortalité, tel une guerre, une maladie, une sécheresse ou une pandémie (comme le VIH/SIDA ou la COVID-19) [lire].

  4. Même de toutes petites variations dans les hypothèses sur le nombre total futur d’enfants par femme peut se traduire par des différences importantes dans les  résultats des projections démographiques à long terme, comme par exemple la population estimée en 2100.

  5. La population future n’augmente pas simplement du fait des naissances, mais également des progrès fait dans l’allongement de la vie et la réduction de la mortalité infantile - et qui pourrait souhaiter de voir ceux-ci diminuer?

  6. Les changements du taux de croissance démographique reflètent en général une évolution de la volonté collective des gens. Celle-ci peut être affectées par les politiques gouvernementales, la conséquence de grandes variations dans la performance économique du pays, la religion, l’origine ethnique et l’effet d’événements généralement imprévisibles.

  7. Dans les cas les plus extrêmes (par exemple dans le cas de la Chine jusqu’à récemment) les gouvernements peuvent fixer et appliquer une limite au nombre d’enfants par famille. Au contraire, ils peuvent inciter les familles à avoir davantage d’enfants (comme dans la plupart des pays européens à l’heure actuelle). Il est plus fréquent, cependant, que les gouvernements qui veulent ralentir la croissance démographique cherchent à encourager une diminution de la fécondité en adoptant des mesures indirectes pour augmenter l’accès à des crèches ou des garderies gratuites et aux écoles secondaires, surtout pour les filles en faisant la promotion, en  subventionnant et en distribuant des moyens de contraception, en autorisant des interruption volontaires de grossesse sécurisées et en améliorant l’espérance de vie (y compris en améliorant la sécurité alimentaire et la nutrition). L’existence de systèmes de pension de retraite peut également diminuer le besoin de grandes familles pour assurer la prise en charge des personnes âgées. Les politiques agricoles, telles que l’appui à la mécanisation, pourrait réduire la demande de main d’oeuvre et l’avantage pratique d’avoir de grandes familles.

  8. Les croyances religieuses ainsi que les traditions culturelles peuvent influencer les décisions portant sur la taille de la famille, mais le lien n’est pas aussi direct qu’on pourrait le penser. Ainsi, l’Italie, pays du catholicisme romain, a l’un des plus bas nombre total d’enfants par femme en Europe (1.3).

  9. Presque toute les sociétés ont des normes gouvernant le comportement sexuel et influençant la taille de la famille, et il est fort possible qu’elles ne changent pas rapidement même quand un gouvernement s’engage dans la promotion du planning familial. Certains peuvent être en faveur des mariages des enfants et d’autres de la polygamie: certains influencent la fréquence des relations et il y a une grande diversité dans les attitudes par rapport aux relations extra-maritales, plus souvent tolérées pour les hommes que pour les femmes. La stigmatisation des grossesses des adolescentes varie également, peut-être en relation avec le degré d’émancipation des femmes, de l’indépendance économique et de la cohésion et du conservatisme sociétal.


La population au Kenya


La population actuelle du Kenya est d’environ 55 millions d’habitants. Elle était de 24 millions en 1990 et de 8 millions en 1960. La croissance démographique annuelle moyenne a chuté d’un maximum d’environ 4% au début des années 1980 à 2,6% cette année, ce qui reflète une diminution spectaculaire du nombre total d’enfants par femme d’à peu près 8 dans les années 1960 et début des années 1970, à 2,36 aujourd’hui. L’espérance de vie est passée d’environ 46 ans pour les personnes nées en 1960 à 67 ans cette année, alors que le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué fortement de 128 par 1000 naissances vivantes en 1960 à moins de 33 cette année. Le gouvernement affirme que le taux de prévalence de la contraception qui est à 59% actuellement, a augmenté régulièrement depuis l’adoption de nouvelles politiques en 2012.


Comme pour la plupart des pays, il y a trois sources principales de projection à long terme de la population qui donnent des résultats significativement différents et qui sont résumées ici. Les plus souvent cités sont les chiffres des projections moyennes publiés par la Division de la population du département des affaires économiques et sociales des Nations Unies qui fournit également des projections hautes et basses jusqu’en 2100 pour tous les pays.


Voici leurs chiffes pour le Kenya en 2050 et 2100:


              


Ce qui frappe dans ces chiffres est la différence entre la projection « haute » et la projection « basse » qui est relativement réduite en 2050, mais énorme en 2100. Ceci est dû au fait que, même s’il y avait une variation très forte du nombre total d’enfants par femme à partir de ce jour, celle-ci n’aurait qu’un effet relativement réduit sur la population en 2050. Les projections pour 2100, par contre, montrent la grande sensibilité des projections à long terme aux changements de comportement qui s’installeraient au cours des 30 prochaines années et se poursuivraient sur les 50 années suivantes. La projection « haute » donne un résultat plus que double que la projection « basse » ! Mais les chiffres montrent également que si le Kenya parvenait au résultat « bas » en 2050, il n’augmenterait plus jusqu’en 2100.


La projection effectuée par l’IHME (Institute for Health Metrics and Evaluation) de Seattle, aux États-Unis, qui envisage une population de 80 millions en 2050 qui atteindrait un pic de 84 millions en 2070 avant de tomber à 75 millions en 2100.


Un troisième ensemble de projections ont été effectué par l’IIASA (International Institute of Applied Systems Analysis) de Laxenburg, en Autriche, en collaboration avec le CEPAM

(European Community’s Centre of Expertise in Population and Migration), où les projections de la croissance démographique sont liées au rythme de « développement », en particulier de l’éducation et de la santé. Les résultats donnent :




Toutes ces projections sont utiles car elles illustrent les résultats très différents qui pourraient se produire au Kenya pour ce qui est de la taille de sa population à la fin de ce siècle, qui pourrait varier entre 80 et 180 millions d’habitants. Si les trois projections à moyen terme sont assez cohérentes (entre 80 et 95 millions), c’est que « le dé a déjà été jeté » puisque les trois quarts de la population présente ont moins de 30 ans.

Cependant, le taux de croissance démographique entre 2050 et 2100 sera extrêmement sensible à la rapidité avec laquelle le nombre total d’enfants par femme diminuera au cours des 30 prochaines années.


Si nous acceptons l’argument puissant avancé par IIASA/CEPAM’s que le nombre total d’enfants par femme est très sensible à l’amélioration de l’éducation, la garde d’enfant et la santé, les mesures prises par le gouvernement au cours de ces dernières années - si elles sont maintenues - semblent susceptibles de produire un résultat démographique plus proche des projections basses plutôt que des projections moyennes. Déjà, le nombre d’enfants inscrits en école primaire (âgés entre 6 et 12 ans) est resté constant aux alentours de 10 millions au cours des 4 dernières années, ce qui indique que la « boule » actuelle dans la taille de la population féconde est déjà entièrement compensé par une chute du nombre total d’enfants par femme. Une conséquence immédiate en est que l’attention donnée par le gouvernement au soutien à l’éducation primaire peut déjà passer de la construction de nouvelles capacités à l’amélioration de la qualité pédagogique. Les investissement dans les écoles secondaires, les instituts techniques et les universités deviendront les nouvelles priorités.


Dans le domaine de la santé, il eut également des réalisations très impressionnantes, surtout dans la diminution de la prévalence des maladies infectieuses. Bien que le VIH/SIDA reste la cause principale de décès, son incidence fut réduite de 41 % entre 2009 et 2019, et il y eut une chute brutale de la mortalité due aux diarrhées, méningites et aux troubles néonatals. La mortalité des enfants de moins d’un an diminua de moitié sur la même période. En revanche, on observe une augmentation des décès causés par les maladies non transmissibles, notamment les problèmes cardiaque et circulatoire, le diabète et la malaria.


Le Kenya est donc bien placé pour voir une diminution continue du nombre total d’enfants par femme et toucher les dividendes d’une amélioration de l’éducation et de la santé sous la forme d’une croissance économique, aussi longtemps qu’il n’y aura pas de revers sérieux dû à des événements imprévisibles.


Conclusion


Got Matar offre un example à suivre montrant que même la plus pauvre des communautés rurales en Afrique, dévastée par le VIH/SIDA et des sécheresses successives, peut se charger elle-même d’offrir une éducation décente à tous ses enfants et ainsi de leur ouvrir la porte vers un futur meilleur. Ils acquièrent les connaissances et les compétences qui transformeront l’économie local et contribueront à une vie meilleure. Bien qu’il soit encore trop tôt pour le dire, le ralentissement de la croissance démographique sera un résultat très probable de ce succès éducationnel.


Le financement externe, soutenu par un petit groupe de donateurs sur plus de 15 ans, a aidé le Groupe de développement communautaire à mettre en oeuvre sa propre vision du développement, sans aucune implication d’étrangers sur place.


Il y a malheureusement une tendance parmi les Européens, illustré par l’article de William Hague, de peindre l’Afrique comme une menace pour le futur de leur propre pays et d’adopter une approche paternaliste de façonner l’avenir du continent. Je suggère plutôt que l’Europe, y compris le Royaume-Uni, peut faire beaucoup pour contribuer à un avenir prometteur de l’Afrique, à condition que, en définissant leurs stratégies, les étrangers tirent les leçons de ce que des pays comme le Kenya - et même leurs communautés les plus déshéritées - ont fait et sont en train de faire, principalement par leurs propres efforts, pour affronter avec succès les épreuves et les conséquences extraordinaire de l’histoire auxquelles ils ont dû faire face. 


En particulier, si la Grande Bretagne aspire à servir comme source appréciée d’aide aux pays africains, elle devra s’efforcer d’améliorer sa crédibilité comme partenaire fiable qui ne veut pas simplement faire la promotion de sa propre vision pour « orienter les choses dans la bonne direction » en Afrique.



Remarque


Une grande partie de ce que j’ai appris dans la vie a été inspiré par la vision, l’engagement  et l’actions de personnes comme Grace Ochieng Andiki et les membre de la communauté de Got Matar.



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  1. *Andrew MacMillan est un économiste agricole écossais spécialisé en agriculture tropicale, dont le travail à la FAO l’a amené à visiter 40 pays en développement. Il est co-auteur, avec le Prof. Ignacio Trueba de « Comment en finir avec la faim en temps de crises - Commençons dès maintenant », publié chez L’Harmattan, Paris, en 2014.



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Pour en savoir davantage :


  1. W. Hague, Africa will make Afghan crisis seem a sideshow, The Times of London, 2021 (en anglais).



Sélection de quelques articles parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. Opinions : Réflexions sur l’impact de deux pandémies sur le capital humain : la COVID-19 dans le monde et le VIH/SIDA au Kenya par Andrew MacMillan, 2020.

  2. Sommet de La Valette sur les migrations : 1,8 milliards d’euros pour l’Afrique en vue de résorber les migrations Afrique-Europe - Illusion ou inconscience ? 2015.



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Remarque d’un lecteur :


Jacques du Guerny écrit :


L’article cité ci-dessous fournit un bon panorama, sans entrer dans trop de détails. Cela pourrait donner un cadre plus général aux réflexions.

Leridon Henri, « Théories de la fécondité : des démographes sous influence ? », Population, 2015/2 (Vol. 70), p. 331-373. DOI : 10.3917/popu.1502.0331.

 

L’Occident, mais pas seulement, a souvent abordé le thème de la fécondité sur une base fausse : celle de la peur de l’autre, illustré de manière caricaturale par le « péril jaune » et la peur des pauvres. Cette peur a joué un grand rôle dans la création du FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population, créé en 1967) et sa première priorité centrée sur l’Asie et les programmes de limitation des naissances. De nombreux abus eurent lieu ainsi que de nombreuses violations des droits les plus élémentaires, en particulier en Asie de l’Ouest (camps de vasectomies).


Les programmes de limitations de naissances étaient souvent fondés sur des considérations macro-économiques alors que les problèmes se posaient de manière très différente au niveau des familles. Même à ce niveau, les enquêtes CAP (Connaissances, Attitudes et Pratiques) pour déterminer le nombre d’enfants désirés et en conséquence la demande contraceptive méconnaissaient les réalités culturelles, sociologiques et économiques et ont abouti à des programmes tels que les ‘Inundation Programmes of Contraceptives’ : les statistiques d’utilisation des préservatifs pouvaient apparaître excellentes, mais en fait, par exemple, les femmes tisserandes en Inde pouvaient les utiliser sur leurs doigts afin de mieux saisir les fils sur le métier à tisser.


En fait, l’histoire montre que même sans contraceptifs, la fécondité peut baisser si le contexte le permet et la population le désire : par exemple la France au XVIIIe où la question de l’héritage a joué un grand rôle.


Vers 1975, la FAO avait conduit une petite étude en Hongrie : au milieu du XIXe, les petits paysans propriétaires, sans contraception n’avaient qu’un ou deux enfants, car ils ne voulaient pas partager leur terre ; par contre, les ouvriers agricoles des grandes propriétés aristocratiques avaient une fécondité élevée et leurs enfants ont souvent émigré aux États-Unis.


Toujours vers 75, une autre étude de la FAO sur le Bangladesh montrait qu’un facteur important dans la forte fécondité était qu’un journalier agricole, malgré un salaire de misère trouvait difficilement du travail, car considéré comme trop cher ; ainsi une stratégie d’avoir des enfants et de les envoyer au travail était une stratégie permettant à la famille de survivre, car les enfants n’étaient presque pas payés. Ainsi est née une théorie intéressante sur les coûts des enfants : la fécondité reste élevée tant que les enfants rapportent à leurs parents, mais baisse lorsque ceux-ci investissent dans l’éducation des enfants.


L’Asie de l’Est et, dans une moindre mesure du Sud-Est (par exemple République de Corée, Thaïlande) a adopté une stratégie très différente : development is the best pill ! Les régimes, mêmes militaires, ont investi massivement dans la santé et dans l’éducation et ainsi les programmes de limitation étaient englobés dans un contexte socio-économique de développement large. Précisons que l’éducation des filles était fortement encouragée, sans elle, la fécondité reste élevée. Cette approche a eu des résultats spectaculaires rapidement.

 

Ce n’est qu’ensuite que le centre d’intérêt s’est déplacé de l’Asie vers l’Afrique.

 

Ainsi, les projections de l’ONU et de IAASA sont assez semblables et celles de cette dernière prennent les deux facteurs clés que j’ai signalés, santé et éducation, explicitement en compte.

 

  1. Je signale que j’ai travaillé comme démographe à la Division de la population de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique de 1970 à 1981 (avec une parenthèse de 3 ans à la FAO à Rome) et qu’à Bangkok, je fus chef de la section Fécondité et limitation des naissances de 78 à 81

 

Dernière actualisation: janvier 2022

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