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11 août 2018


La pêche et l’aquaculture mondiale en eaux troubles



Quelle est la situation mondiale de la pêche et de l’aquaculture à l’heure actuelle, et quelles sont leurs perspectives ? La FAO donne sa réponse à cette question dans une publication bisannuelle dont la version 2018 vient de sortir.


Production


En 2016, la production totale du secteur de la pêche et de l’aquaculture a atteint un niveau record de 171 millions de tonnes dont 151 millions de tonnes consommées directement par la population. L’aquaculture, quasi négligeable il y a 40 ans, représente actuellement près de la moitié du total et est en croissance régulière (aux alentours de 10% par an pendant les années 1980 et 1990 !), la pêche stagnant pratiquement à son niveau de 1995. La Chine est de loin le plus grand producteur mondial (plus de la moitié de la production aquacole).




On estime que près de 60 millions de personnes travaillaient dans les secteurs primaires de la pêche de capture et de l’aquaculture en 2016, dont plus de 50 millions en Asie. Un tiers de ces personnes était dans l’aquaculture et le reste dans la pêche. Une forte proportion de ces personnes est constituée de travailleurs pauvres.


La pêche était assurée par près de 5 millions de bateaux - principalement de petite taille - dont les deux tiers étaient motorisés.


Consommation


La forte augmentation de la production est allée de pair avec une croissance rapide de la consommation nettement supérieure à celle de la viande. Entre 1961 et 2015, la consommation moyenne par personne de produits de la pêche et de l’aquaculture a plus que doublé pour passer de 9 kg par tête à plus de 20 kg par tête. Ces produits sont donc devenus une source essentielle de protéines animales pour la population mondiale et l’on s’attend à ce que leurs prix poursuivent la tendance à la hausse observée dans le passé récent (+75% entre 2002 et 2016).


Commerce


Le poisson et les produits à base de poisson font partie des denrées alimentaires qui sont les plus échangées dans le monde (environ 35% de la production totale est commercialisée au niveau international). Les trois plus grands exportateurs sont la Chine, la Norvège et le Viet Nam. Les plus grands importateurs sont l’Europe, les États-Unis et le Japon qui à eux trois consomment 47% de la production mondiale de poisson.


Pertes et gaspillage


Les pertes et gaspillages sont estimés à 27% du poisson débarqué, ce qui est à peu près dans la moyenne pour l’ensemble de l’alimentation [lire]


Ressources


L’avenir de la pêche halieutique est menacé par une surexploitation des stocks. C’est en mer Méditerranée et en mer Noire, dans le Sud-Est de l’Océan Pacifique et dans le Sud-Ouest de l’Océan Atlantique qu’il y a le plus de stocks exploités à un niveau biologiquement non durable. En 1974, seuls 10% des stocks dans le monde étaient surexploités. Cette proportion est passée à 33% en 2015. Sur la même période (1974-2015), les stocks sous-exploités sont passés d’environ 40% à moins de 10%. En Méditerranée et en mer Noire, la proportion des stocks surexploités était de plus de 62% en 2015.


Une cause de cette surexploitation - parmi d’autres - est la pêche illégale. Celle-ci représente entre 11 et 23 milliards dollars par an, soit plus que le marché des armes légères, et elle est entre les mains d’organisations criminelles transnationales tirant profit d’un cadre juridique permissif assurant une relative impunité, les peines étant notamment dérisoires par rapport à celles encourues dans le cadre du trafic de drogue. Basé sur l’utilisation de pavillons et de ports de complaisance, d’une exploitation quasi esclavagiste des équipages, de transbordements multiples permettant de mélanger prises licites et illicites, la pêche illégale permet à ces organisations - souvent infiltrées ou établies par des mafias - de faire des profits considérables [lire].


L’avenir de la pêche est donc en question, d’autant plus que les programmes visant à la reconstitution des stocks progressent plus lentement que prévu bien que la reconstitution des stocks puisse se faire avec des conséquences positives considérables tant du point de vue social, économique qu’écologique.


En ce qui concerne l’aquaculture, son expansion risque d’être freinée à l’avenir du fait de contraintes de disponibilité d’eau de qualité. En plus, dans certaines régions, le développement de l’aquaculture a été une cause de dégradation de l’environnement et de la biodiversité (notamment en zone côtière, par exemple les mangroves).


Qualité


Dans l’aquaculture, l’utilisation abusive d’agents antimicrobiens (notamment d’antibiotiques) dans de nombreuses parties du monde est reconnue comme le facteur essentiel déterminant l’émergence et la dissémination de la résistance aux antimicrobiens [lire].


Les produits de la pêche et de l’aquaculture sont aussi souvent touchés par la fraude (par exemple : étiquetage intentionnellement trompeur pour masquer une substitution d’espèces ou utilisation non déclarée ou excessive d’agents hydrophiles destinés à accroître le poids des produits).


La qualité de ces produits est également de plus en plus affectée par la pollution des eaux notamment par les microplastiques qui est maintenant très répandue [lire].


Perspectives


Les projections de la FAO sont telles que la production des océans devrait aller en diminuant à l’avenir (une chute de l’ordre de 6% d’ici 2100), la production de la pêche côtière diminuant plus fortement que celle en haute mer. D’ici 2030, les produits de l’aquaculture devraient nettement dépasser ceux de la pêche. Les simulations envisagent une production totale du secteur qui atteindrait alors les 200 millions de tonnes (contre 171 millions de tonnes en 2016).


Mais la concrétisation de ces projections reste sous la menace du changement climatique et de l’évolution de la pollution marine et, plus généralement, de l’eau, et ces chiffres demanderont, pour se traduire dans la réalité, la mise en oeuvre de toute une série de programmes et de politiques au niveau mondial, régional et national qui sont présentés dans la publication de la FAO.



Conclusion


La pêche et l’aquaculture mondiale ont connu une expansion remarquable au cours des dernières décennies, et leurs produits sont de plus en plus consommés. Mais le secteur repose sur deux mondes très différents : un monde de pêche industrielle et d’aquaculture à grande échelle où les capitaux financiers constituent un ingrédient essentiel, et un monde de producteurs familiaux et artisanaux où les moyens sont limités et la pauvreté fréquente.


L’augmentation de la consommation a entraîné une forte hausse des prix, ce qui illustre les contraintes auxquelles l’offre doit faire face, notamment dans le cas de la pêche de capture qui est en diminution.


Malgré les efforts consentis pour lutter contre la pêche illégale, celle-ci reste un phénomène important qui échappe au contrôle des autorités.


La surexploitation croissante des stocks naturels, l’impact environnemental, les contraintes en eau de qualité et des menaces sérieuses sur la qualité des produits offerts aux consommateurs (présence d’antibiotique et de plastique) font que l’avenir de ce secteur est incertain, malgré les indications fournies par les projections de la FAO qui peuvent paraître excessivement optimistes.



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Pour en savoir davantage :


  1. FAO, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2018. Atteindre les objectifs de développement durable, 2018.

  2. Lambert, D., Les mafias de la pêche illégale, ANAJ-IHEDN, www.geostrategia.fr, 2018.



Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés au sujet :


  1. L’omniprésence du plastique : du plastique protégeant la nourriture à la nourriture contenant du plastique, 2018.

  2. L’alimentation d’origine marine et le tabac accusés d’être responsables du fort niveau de contamination en métaux des femmes enceintes en France, 2017.

  3. Alimentation, environnement et santé, 2014/2017.

  4. La menace catastrophique des antibiotiques dans notre alimentation, 2017.

 

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Dernière actualisation:    août 2018