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11 février 2015


Une nouvelle génération d’OGM produite à partir de la technique d’interférence par l’ARN échappe à la réglementation et risque d’envahir le marché aux États-Unis. Qu’en sera-t-il dans le reste du monde ?


Nous avons, à plusieurs reprises, écrit au sujet des OGM sur lafaimexpliquee.org. Nous avons notamment tenté d’expliquer pourquoi les OGMs ne constituaient pas une solution à la faim dans le monde [lire] et discuté de leurs avantages et risques d’un point de vue économique, social, environnemental et de santé [lire]. En particulier, nous avons attiré l’attention de nos lecteurs sur l’arrivée d’une nouvelle génération d’OGM qui sera capable de secréter une substance active qui protégera la plante contre les ravageurs et que cette substance sera présente dans l’ensemble de la plante, ne pourra être éliminée par lavage et sera donc aussi présente dans l’assiette du consommateurs avec des conséquences sanitaires qui n’ont pas été entièrement évaluées.





Récemment la J,R. Simplot Company a livré une nouvelle pomme de terre OGM dont l’ADN a été modifiée de façon à réduire la quantité d’acrylamide - une substance neurotoxique et pouvant causer le cancer -  présente dans les frites et à diminuer l’apparition de taches noires lors du transport et de la commercialisation du tubercule, ce qui permet de réduire les pertes financières à ce stade de la filière. Des pommes génétiquement modifiées, bénéficiant d’un brunissement par oxydation réduit, avaient déjà été produites par une technique de modification génétique similaire dans le passé.


Ce qui rend ce nouveau type d’OGM digne d’intérêt, c’est qu’il ne demande pas l’ajout de matériel génétique allogénique (par exemple en provenance d’un virus ou d’une bactérie) mais qu’il est obtenu en bloquant certains gènes afin de les rendre incapables de remplir leur rôle en utilisant la technique dite Innate Technology fondée sur le phénomène d’interférence par l’ARN dont les implications sont encore mal connues. L’interférence par l’ARN consiste à détruire les ARN messagers qui ont une fonction centrale dans le processus de production d’une protéine donnée par un gène spécifique. Cet effet est obtenu en doublant dans la cellule la portion d’ADN qui doit être bloquée. Du fait de la nature de la modification génétique opérée, ce nouveau type d’OGM échappe à la réglementation environnementale en vigueur aux États-Unis.


Par conséquent, le Département de l’agriculture américain (l’équivalent de notre Ministère de l’agriculture) a approuvé cette nouvelle pomme de terre en novembre 2014. Il est encore trop tôt pour savoir si cette pomme de terre sera adoptée par l’industrie agroalimentaire, car il se pourrait que les consommateurs décident de boycotter ce nouveau produit comme cela s’était produit dans le passé lors de tentatives d’introduction de pommes de terre OGM.


L’approbation fut accordée malgré les protestations des opposants à cette nouvelle technologie. Ceux-ci estiment que les ARN messagers ont un rôle central dans la vie de la cellule, en particulier dans sa croissance et dans les mécanismes de défense de l’organisme contre les intrusions - de virus en particulier. Dans le cas de la pomme de terre Simplot, il semble que la portion d’ADN qui est doublée contienne également des gènes qui jouent un rôle dans l’utilisation de l’azote par la plante et dans son mécanisme de protection contre les prédateurs. Certains scientifiques estiment par conséquent qu’il aurait fallu mener davantage de recherches avant d’autoriser la culture et l’utilisation de cette pomme de terre, afin d’être mieux informé sur les risques et les éventuels effets qu’elle pourrait avoir sur la santé des consommateurs (en plus de son effet sur la réduction de l’acrylamide carcinogène).


Ce point de vue est aussi celui d’un rapport préparé par un groupe de scientifiques consultés par l’Agence américaine de protection de l’environnement (U.S. Environmental Protection Agency (EPA) et qui avait mis en garde, dès janvier 2014, sur les risques potentiellement liés à cette technologie. Le rapport, tout en reconnaissant que la digestion anéantirait probablement tout risque lié à l’ingestion de plantes traitées par cette technologie, et que les effets sur les animaux et plantes présents dans le sol et l’environnement semblait minime, conseillait d’entreprendre plus d’expériences et de collecter et d’analyser davantage de données.


L’autorisation de la pomme de terre Simplot a encouragé d’autres compagnies à utiliser cette technologie pour produire davantage de pommes de terre OGM.


Il sera important de voir si ce type de pomme de terre sera finalement largement utilisé et également autorisé ailleurs dans le monde.


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Pour en savoir plus :



  1. -Gurian-Sherman, D. The Next Phase of Genetic Engineering: A Flood of New Crops Evading Environmental Regulation, Civil Eats, January 2015 (en anglais)

  2. -Pollack, A., U.S.D.A. Approves Modified Potato. Next Up: French Fry Fans., New York Times, November 2014 (en anglais)

  3. -Report submitted to the US Environmental Protection Agency on the RNA interference technology, January 2014 (en anglais)

  4. -sur la technique d’interférence par ARN : L’interférence par l’ARN - Vers une génomique fonctionnelle chez les mammifères ? F. Dautry, et C. Ribet, Médecine/sciences, Volume 20, numéro 8-9, août-septembre 2004

  5. -Les OGM ne sont pas la solution pour la faim dans le monde, lafaimexpliquee.org, septembre 2013

  6. -GMOs are not the solution to eradicate hunger, hunger explained.org, September 2013

  7. -Les ressources génétiques : L’accélération de la privatisation du vivant constitue une menace pour l’alimentation et la biodiversité, lafaimexpliquee.org, août 2013


 

Dernière actualisation:    février 2015

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