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18 mai 2018


L’aide publique au développement, une goutte d’eau dans un océan de besoins ?


D’après l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), le volume d’aide publique au développement (APD) octroyée par les membres de l’OCDE, en 2017, était de 146,6 milliards de dollars, soit 0,6% de moins qu’en 2016. Selon les chiffres publiés par l’organisation, cette diminution peut être mise au compte d’une réduction des dépenses en faveur des réfugiés dans les pays donateurs qui - cela pourra étonner certains de nos lecteurs - sont considérées comme faisant partie de l’aide au développement (environ 14 milliards de dollars en 2017, soit près de 10% du total de l’aide).


Composantes de l’aide publique au développement nette octroyée

par les pays riches de l’OCDE sur la période 2000-2017


L’organisation souligne également que l’aide bilatérale aux « pays moins avancés » (c’est-à-dire les pays les plus pauvres), après des années de baisse, a augmenté de 4% pour atteindre 26 milliards de dollars.


L’aide à l’ensemble de l’Afrique a augmenté de 3 % pour atteindre 29 milliards de dollars (dont 25 milliards pour l’Afrique subsaharienne).


Dans le même temps, l’aide humanitaire a augmenté de 6.1 % en termes réels, pour atteindre 15.5 milliards de dollars.


Si donc l’on déduit du total de 146,6 milliards, les 14 milliards de coûts relatifs aux réfugiés dans les pays riches et les 15,5 milliards d’aide humanitaire, l’aide au développement à proprement parler n’aura été que de 117,1 milliards de dollars. Cela montre une fois de plus, que l’approche adoptée par les pays riches les condamne à être dans l’obligation de consacrer une part importante de leurs faibles efforts à gérer les conséquences urgentes et désastreuses des questions de fond qu’ils se refusent à traiter comme il le faudrait. [lire]


Mais le volume d’aide n’est qu’un aspect de la question: la nature de l’aide, elle aussi, importe. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier qu’une part croissante de l’aide publique au développement est utilisée pour aider à l’implantation des entreprises des pays riches dans les pays pauvres et émergents. En outre, elle est généralement considérée comme assez peu efficace dans la promotion d’un véritable développement, cela malgré toute l’expérience accumulée depuis les années 1960 qui aurait dû permettre, avec un peu de bonne volonté, de trouver la meilleure façon de promouvoir le développement.


Il est bon de replacer ces chiffres dans leur contexte.


L’aide publique au développement apportée par les pays riches de l’OCDE représente en moyenne « à peine 0.31 % du revenu national brut (RNB) cumulé de ces pays, en léger retrait par rapport à 0.32% en 2016 et bien en dessous de l’objectif de 0.7 % minimum fixé par les Nations Unies. » Les « bons élèves » sont la Suède, le Luxembourg et la Norvège (environ 1% du RNB), alors que les « mauvais élèves » sont la Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie (environ 0,1% du RNB). La France « donne » 0,43% de RNB, les États-Unis, 0,18%, l’Allemagne 0,66% et le Royaume Uni 0,7%.


En volume, ce sont les États-Unis qui sont les plus grands donateurs (35 milliards de dollars), suivis par l’Allemagne (25 milliards de dollars dont plus de 20% pour la prise en charge des réfugiés sur leur territoire) et le Royaume Uni (18 milliards de dollars), la France arrivant en cinquième position avec 11 milliards de dollars, juste après le Japon.


Pour ce qui a trait l’aide au développement agricole elle représentait environ 4% du total de l’aide au développement, alors que l’aide alimentaire pesait environ 1% (chiffres de 2016) (OCDE).


Ces chiffres ne prennent pas en compte l’aide provenant des pays qui ne font pas partie de l’OCDE. Cette aide n’est pas négligeable ; elle est de l’ordre d’une vingtaine de milliards de dollars, selon les estimations de l’OCDE, les principaux donateurs étant, par ordre d’importance, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et la Turquie. En plus, l’aide apportée par la Chine se chiffrerait aux alentours d’une moyenne de 20 milliards de dollars par an entre 2000 et 2014.


Une autre façon de replacer ces chiffres dans leur contexte est de comparer l’aide apportée à quelques grands agrégats économiques des pays bénéficiaires. Ainsi, pour l’Afrique, il faudrait comparer les 29 milliards d’aide publique à son PIB qui est de plus de 8 000 milliards de dollars en 2017 et aux 41 milliards de dollars de solde négatif des flux financiers sortant annuellement du continent tel qu’estimé par une coalition de groupes militants britanniques et africains sur l’égalité et le développement [lire].


Au niveau mondial, il est aussi utile de comparer les 146,6 milliards de dollars d’aide publique au développement aux transferts de richesses des pays pauvres vers les pays riches estimés sur la base de la théorie de l’échange inégal au niveau pharamineux de 1 500 à 5 000 milliards de dollars par an, dont une partie non négligeable en provenance de l’Afrique ! [lire]


Les gouvernements des pays riches se disent préoccupés par la croissance démographique en Afrique et par les énormes flux migratoires qui devraient en découler d’ici la fin du siècle. Mais ce n’est pas en faisant des discours, en construisant des clôtures ou des murs que cette question pourra être réglée. Ce qu’il s’agit de faire c’est de redéfinir fondamentalement les règles sur lesquelles repose notre système économique, l’échange inégal qui le caractérise et la pauvreté qui en découle au Sud. Il s’agit aussi d’investir massivement au bénéfice de la population locale en Afrique et ailleurs dans les pays pauvres (et non au bénéfice des actionnaires des compagnies venant des pays riches !), afin de créer suffisamment d’opportunités pour que la population locale ne soit pas tentée de se lancer dans le périlleux voyage vers l’illusion d’un Eldorado qui se trouverait dans les pays riches.


Les chiffres que nous venons d’examiner montre que nous sommes loin du compte et de l’effort requis.


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Pour en savoir davantage :


  1. OCDE, L’aide au développement reste stable et les apports aux pays les plus pauvres augmentent en 2017, OCDE, 2018.

  2. Base de données OCDE.


Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. Opinion : Comment arrêter la machine mondiale à fabriquer des inégalités ?, 2017

  2. Afrique pillée (Saison 2), 2017.

  3. Terrorisme, faim, migrations : Pourquoi sommes nous incapables de nous attaquer aux causes profondes des problèmes auxquels nous faisons face ? 2016.

  4. Sommet de La Valette sur les migrations : 1,8 milliards d’euros pour l’Afrique en vue de résorber les migrations Afrique-Europe - Illusion ou inconscience ? 2015.

  5. Afrique pillée, 2015.

  6. L’équité intergénérationnelle est possible : à condition de changer profondément les principes qui gouvernent le monde, 2015

  7. Sortir les populations de la pauvreté en les reliant au marché mondial: le Laboratoire global de développement de l’USAID, 2014.

  8. Le «Blending»: formule magique pour mobiliser plus de ressources pour le développement ou subvention à l’endettement ? 2013.

  9. L’insuffisance de l’appui au développement agricole, 2013.


 

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Dernière actualisation:    mai 2018