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30 avril 2018



Dégradation des terres :  une conséquence grave des activités humaines avec des implications dramatiques sur l’alimentation, la santé et le bien-être de la population mondiale


Les activités humaines provoquent une vaste dégradation des terres qui affecte la production alimentaire, la qualité de l’eau et la biodiversité, ce qui a des conséquences négatives sur la vie de milliards de personnes et, dans certains cas, les pousse à migrer loin de leur lieu d’origine. La gestion irresponsable des terres entraîne la pollution, l’érosion et l’appauvrissement des sols, ce qui réduit leur potentiel productif à un moment où le défi que pose la demande alimentaire future exige une augmentation de 50% de la production de nourriture d’ici 2050.




Mais il n’est pas trop tard pour réagir et il existe des moyens techniques pour combattre la dégradation des terres (par exemple, l’intensification durable, l’agriculture de conservation, les pratiques agroécologiques, l’agroforesterie, la gestion des pâturages et la gestion sylvopastorale). L’adoption de telles technologies devrait être une priorité, car les avantages tirés de l’investissement dans la protection et la restauration des terres dépassent largement les coûts (plus de dix fois dans le cas de la restauration des terres). En plus des avantages économiques immédiats, la lutte contre la dégradation des terres contribuera également à l’augmentation du stockage de carbone et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.


Ce sont là quelques unes des principales conclusions d’une vaste étude menée par plus de 100 éminents spécialistes venus de 45 pays, sous l’égide de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). L’étude décrit un phénomène majeur dont l’importance est généralement mal reconnue et encore moins mis au compte de notre modèle de développement économique qui donne la priorité au court terme. Mais, comme le dit le rapport, « les gains à court terme d’une gestion non durable des terres se mutent souvent en des pertes à long terme ce qui fait de la prévention de la dégradation des terres une stratégie optimale et rentable ». Plus nous attendrons pour agir, et plus il nous coûtera pour restaurer les terres.


Les auteurs du rapport définissent la dégradation des terres dans une zone donnée soit par une perte de biodiversité, de fonctions ou de services écosystémiques, sans nécessairement un changement de classe de couverture végétale ou d’utilisation de la terre, ou par sa transformation en un écosystème dérivé tel que la conversion d’une zone naturelle en une zone cultivée.


Ils précisent que « les principaux facteurs de dégradation de la terre et la perte de biodiversité qui y est associée sont le remplacement de la végétation naturelle par l’expansion des terres cultivées ou pâturées, les pratiques agricoles et forestières non durables, le changement climatique et, dans certaines zones, l’expansion urbaine, le développement des infrastructures et des industries extractives ». Mais ces facteurs sont une conséquence directe, d’une part, de la demande découlant de la généralisation d’une culture de consommation, au fur et à mesure que le revenu par personne augmente et, d’autre part, de pratiques non durables adoptées par des groupes de population extrêmement pauvres. Notre mode de vie fait de consommation effrénée et notre système économique sont tels que les décisions de consommation prises à un bout de la planète affectent négativement les ressources en terre à l’autre bout du monde, ce qui rend la relation entre consommation et dégradation des terres souvent difficile à percevoir.


Aujourd’hui, « moins d’un quart de la superficie de la planète reste exempt d’un effet substantiel de l’activité humaine ». Les processus de dégradation en cours comprennent la transformation des forêts, des parcours et des zones humides (87% de pertes au cours des 300 dernières années pour cette dernière catégorie) en « zones urbaines et en systèmes agricoles intensifs impliquant une forte utilisation de produits chimiques qui souvent entraînent l’eutrophisation des étendues d’eau, les effets de toxicité des pesticides sur des espèces non visées, et l’érosion ».


Le rapport poursuit en affirmant que « l’on prévoit que, dans l’avenir, la plus grande partie de la dégradation et surtout de la transformation des terres se produira en Amérique Centrale et du Sud, en Afrique sub-Saharienne et en Asie, où il subsiste encore la plus grande partie des terres disponibles se prêtant à l’agriculture… En 2050, on estime que moins de 10% de la surface terrestre resteront à peu près exemptes d’un impact humain direct. La plus grande partie de cette surface se trouvera dans les déserts, les zones montagneuses, la toundra et les zones polaires qui sont inadaptés à l’utilisation et aux établissements humains. »


La dégradation des terres affecte la subsistance de milliards de personnes en agissant sur la sécurité alimentaire, la sécurité de l’eau, ainsi que sur la sûreté et la santé des humains. L’érosion, la perte de fertilité, la pollution et la salinisation des sols sont les principales causes de perte de production agricole. « La dégradation des terres nuit à la sécurité de l’eau par une réduction de la fiabilité, la quantité et la qualité des débits d’eau… de sorte que les quatre cinquièmes de la population mondiale vivent à présent dans des zones où la sécurité de l’eau est menacée. »


Du point de vue de la santé, « la transformation des écosystèmes naturels en des écosystèmes essentiellement utilisés par l’homme peut augmenter le risque de maladies nouvelles, tel que la fièvre Ebola, le virus de la variole du singe ou le virus de Marburg. » La dégradation des terres a également un effet négatif sur « la santé intellectuelle et le bien-être spirituel des peuples indigènes et des communautés locales » et « il accroît les risques de dégâts causés par les tempêtes, les inondations et les glissements de terrain qui s’accompagnent de pertes humaines et de coûts socioéconomiques ».


D’autres conséquences négatives majeures comprennent également :


  1. Une exacerbation des inégalités de revenu, « puisque les conséquences négatives frappent davantage les personnes vulnérables, notamment les femmes, les peuples indigènes, les communautés locales et les groupes à bas revenu » ;

  2. La désertification, « définie comme la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches… à cause des activités humaines et des changements climatiques », qui touche actuellement plus de 2,7 milliards de personnes et qui entraîne des phénomènes migratoires.


Le coût de la dégradation des terres est estimé annuellement à 10% de la production mondiale brute, et les dégâts augmenteront vraisemblablement avec la poursuite de la dégradation si une action concertée n’est pas entreprise pour arrêter le processus de détérioration en cours.


Parmi les mesures qui peuvent être prises, les auteurs listent :


  1. La suppression de toutes les subventions encourageant la production et l’utilisation des terres non durables ;

  2. Des mesures veillant à ce que les coûts environnementaux, sociaux et économiques d’une utilisation des terres et d’une production non durables soient reflétés dans les prix ;

  3. La garantie des droits fonciers, de propriété et d’usage des terres attribués à des individus et/ou des collectivités, ce qui aide à la prévention de la dégradation des terres et la perte de biodiversité et est favorable à la restauration des terres dégradées ;

  4. Des incitations économiques telles que « les lignes de crédits, les polices d’assurance et les contrats futurs qui récompensent des pratiques plus durables de gestion des terres, les paiements pour les services écosystémiques et les offres de conservation » ;

  5. Des incitations non commerciales telles que « les mécanismes conjoints de réduction et de mitigation, les initiatives juridiques et les programmes d’adaptation basée sur les écosystèmes et de cogestion intégrée de l’eau ».


À lafaimexpliquee.org, nous félicitons les auteurs du rapport pour avoir pensé à rédiger un résumé spécialement pour les décideurs. On peut espérer que les responsables des politiques économiques fonderont leurs futures décisions sur les informations fournies par ce rapport et qu’ils s’inspireront des recommandations qu’il fait. Ceci faisant, non seulement ils combattront la dégradation des terres - la base indispensable à la production de notre alimentation - mais ils contribueront également à la transition vers un système alimentaire plus durable et plus respectueux du climat.


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Pour en savoir davantage :


  1. R. Scholes, L. Montanarella et al., Summary for policymakers of the thematic assessment report on land degradation and restoration of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES 2018. Télecharger le document en format pdf ici : Summary for policy makers.pdf (en anglais uniquement).


Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. Politiques pour une transition vers des systèmes alimentaires plus durables et plus respectueux du climat, 2018

  2. Quels sont les défis à relever pour assurer un futur durable à notre alimentation ?, 2017

  3. Une solution pour lutter contre le dérèglement climatique : une agriculture qui stocke du carbone dans le sol, 2015

  4. Pour une agriculture plus durable : trois idées reçues qu’il faut battre en brèche, 2015

  5. 2015 sera l’Année internationale des sols, 2015

  6. La forêt: les communautés rurales prises entre les marchés et l’objectif de préservation de la planète, 2013

  7. La terre: une ressource essentielle menacée et inégalement distribuée, 2013

 

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Dernière actualisation:    avril 2018