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9 juin 2019



L’omniprésence du plastique (Saison 2) - Le plastique dans la Méditerranée et dans notre alimentation


Nous avons déjà eu l’occasion d’attirer l’attention de nos lecteurs sur l’omniprésence du plastique [lire]. De nouvelles preuves viennent renforcer la nécessité d’une action clairement définie.


Une recherche menée par Fond Mondial pour la Nature (WWF - World Wildlife Fund) nous rappelait, à la veille de la journée mondiale de l’Océan, que la Mer Méditerranée est devenue une vaste décharge de plastique. En effet, ce rapport rédigé par le WWF en 2018, affirme que chaque année nous déversons 600 000 tonnes de plastique dans cette mer. Il note également que « le plastique représente 95 % des déchets en haute mer, sur les fonds marins et sur les plages de la Méditerranée. » Ces déchets plastiques proviennent principalement de Turquie (144 tonnes/jour), d’Espagne (126), d’Italie (90), d’Égypte (77) et de France (66).




Il poursuit : « L’Europe est le deuxième plus grand producteur de plastique au monde après la Chine. En 2016, l’UE-28, la Norvège et la Suisse ont produit 60 millions de tonnes de plastique et généré 27 millions de tonnes de déchets plastiques » dont seuls 31 % sont envoyés au recyclage. Tout ce plastique sert essentiellement pour fabriquer les emballages, notamment alimentaires (les bouteilles en plastique, par exemple). La plus grande partie du plastique libéré dans notre environnement n’est pas biodégradable et peut donc y subsister pendant des centaines, voire de milliers d’années. La Méditerranée est une zone particulièrement affectée par la pollution par le plastique puisqu’elle « ne représente que 1 % des eaux mondiales mais concentre 7 % de tous les microplastiques de la planète. »


Les plastiques présents dans l’eau sont une source de mortalité pour les animaux soit par étouffement, soit par empoisonnement, car ils contiennent des composantes toxiques. Ils ont donc un effet délétère sur la biodiversité. Selon l’étude WWF, 344 espèces ont été retrouvées piégées dans des objets en plastique. En Méditerranée, les principales victimes sont les oiseaux, les poissons, les invertébrés, les mammifères marins et les tortues marines, part ordre décroissant de la fréquence des cas observés. Ces résultats confirment largement ce qui avait été observé par une étude britannique dont nous avons déjà présenté les conclusions, concernant la présence de plastique dans les animaux vivants dans les mers entourant les Îles Britanniques et dans les aliments transformés à base de fruits de mer.


Une autre étude (en anglais) qui vient d’être publiée dans le Journal of Environmental Science and Technology par une équipe de scientifiques canadiens souligne l’omniprésence du plastique dans notre environnement ce qui rend son ingestion par les humains inévitable. Les auteurs estiment, en partant de la consommation alimentaire moyenne des habitants des États-Unis, que ces personnes mangent au moins 50 000 particules de microplastique chaque année. Ils précisent que cette quantité estimée est minimale et que la quantité réellement ingérée pourrait être plusieurs fois plus grande dans la mesure où ils n’ont analysé qu’une petite partie des aliments consommés ne représentant qu’environ 15 % de l’apport calorique moyen. La consommation d’eau en bouteilles plastiques est une source particulièrement importante de particules : on estime qu’une personne ne consommant que de l’eau en bouteilles plastiques absorberait environ 130 000 particules par an, uniquement à provenance de cette eau ! (contre seulement 4 000 particules pour une personne buvant seulement de l’eau du robinet). Cette étude indique également la présence de poussières de plastique dans l’air que l’on inhale en respirant ainsi que dans les échantillons de selles humaines.


Les conséquences sanitaires de la consommation et de l’inhalation de microplastique ne sont pas connues, mais les scientifiques estiment que les cas de forte consommation pourraient présenter un danger, étant donnée la nature toxique de certains composants du plastique et ils suggèrent de prendre des mesures de précaution.


Le travail du WWF est très spécifique quant aux mesures à prendre pour lutter contre la présence de plastique dans notre environnement. L’ONG propose notamment :


  1. Au niveau international :

  2. Un accord international juridiquement contraignant visant à éliminer les rejets de plastique dans les océans, accompagné d’un mécanisme de suivi et de financement ;

  3. Un objectif « niveau zéro » pour l’industrie, visant à stopper toute fuite de plastique dans l’environnement ;

  4. La récupération et l’élimination de tout le matériel de pêche fantôme ;

  5. L’adoption de réglementations commerciales internationales sur les déchets plastiques définissant les critères de recyclage pour les exportateurs de déchets plastiques.


  1. Au niveau national :

  2. Passer de 30 % à 100 % de déchets plastiques recyclés et réutilisables d’ici 2030 ;

  3. Interdire l’utilisation de tous les sacs en plastique à usage unique et l’ajout de microplastiques dans les produits d’ici 2025 ;

  4. Atteindre 100 % de la collecte des déchets.


  1. Dans le domaine industriel :

  2. Investir dans l’innovation pour des alternatives recyclables ;

  3. Réduire l’utilisation de plastique en commençant par tous les petits articles et emballages en plastique inutiles.


  1. À l’échelle individuelle, se comporter comme une personne responsable :

  2. En choisissant, dans la mesure du possible, des produits à base de matériaux biodégradables ou recyclés plutôt que de plastique : du fil dentaire biodégradable, des peignes ou des pinces à linge en bois, des éponges en cellulose, des assiettes, bols et tasses en céramique, des bouteilles en verre, des serviettes en coton, etc.

  3. En évitant les produits jetables ;

  4. En stockant les aliments dans des récipients en verre plutôt que de plastique ;

  5. En évitant les savons et les produits cosmétiques qui contiennent des microplastiques ;

  6. En achetant des produits non emballés ;

  7. En prêtant attention aux procédures de gestion des déchets et de recyclage dans sa ville ou son village.


C’est la combinaison de toutes ces mesures et de ces comportements responsables qui permettront de mettre une fin à l’omniprésence polluante et menaçante du plastique dans notre environnement.


Mais, malheureusement, il faut bien le reconnaître, le plastique n’est que l’un des produits que nous rejetons dans nos rivières et nos fleuves : une multitude d’autres produits chimiques dangereux, parmi lesquels des produits pétroliers, de l’huile de vidange rejetée par certains bateaux, les pesticides et les engrais lessivés par la pluie, et bien d’autres encore, finissent par s’accumuler, eux-aussi, dans la mer et par être absorbés par la biodiversité qui y vit et, au bout du compte, par les humains qui consomment les produits de la mer. Davantage de recherches sont nécessaires pour mieux connaître ces multiples aspects de la pollution marine et ses impacts, et pour déterminer les moyens les plus efficaces pour lutter contre elle.


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Pour en savoir davantage :


  1. Cox, K.D., et al, Human Consumption of Microplastics, Journal of Environmental Science and Technology, 2019 (en anglais).

  2. Carrington, D., People eat at least 50,000 plastic particles a year, study finds, The Guardian, 2019 (en anglais).

  3. Alessi. et al., Pollution plastique en Méditerranée. Sortons du piège !, WWF Initiative Marine Méditerranéenne, 2018.



Sélection d’articles récents déjà parus sur lafaimexpliquee.org liés à ce sujet :


  1. La Vie malade de la folie humaine : il nous faut changer de paradigmes, d’objectifs et de valeurs, 2019.

  2. L’omniprésence du plastique : du plastique protégeant la nourriture à la nourriture contenant du plastique, 2018.

  3. Le krach alimentaire planétaire : mythe ou réalité ? 2018.

 

Dernière actualisation:    juin 2019

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