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29 juillet 2017



Financement climatique : pour qui roule la Banque mondiale ?


Les 12 et 13 septembre prochains se tiendra à Londres, le Forum annuel organisé par la Facilité de soutien au financement de l’agriculture (AgriFin) de la Banque mondiale. Cette facilité, créée pour augmenter l’accès au financement des producteurs agricoles et de l’agribusiness est financée par la Fondation Gates et gérée par la Banque mondiale.


Le thème du Forum 2017 est le financement d’une agriculture résiliente faiblement émettrice de carbone. Les principaux intervenants seront :


  1. Un analyste des marchés financiers travaillant pour State Street Global Markets, un centre de recherche et de conseil pour les investisseurs privés ;

  2. Le directeur pour la durabilité de Rabobank, la grande banque néerlandaise qui a fait plus de 4 milliards d’euros de profits (avant imposition) en 2016 tout en réduisant ses employés de 14% et dont un des principaux objectifs déclarés est de contribuer à la résolution de la question alimentaire mondiale ; et

  3. Une conseillère dans le domaine des investissements dans le domaine du climat, de l’énergie et de l’utilisation des terres, travaillant pour la Climate Policy Initiative.




D’après la description du Forum, mise en ligne par AgriFin, son objectif est de mettre en rapport les principaux acteurs du financement climatique et du financement de l’agriculture en vue de favoriser leur coopération. Il sera l’occasion d’explorer des possibilités de partenariat entre ces opérateurs.


Les quatre thèmes de travail seront :


  1. Le financement climatique et agricole en action. Il portera sur les innovations financières dans ce domaine ;

  2. La mobilisation et la libération de capitaux en vue de développer les investissements climatiques dans le secteur agricole ;

  3. La création d’un environnement favorable à l’investissement par des politiques et des réglementations adaptées ; et

  4. Les innovations dans le financement de l’agriculture.


Il est intéressant de noter que les organisateurs précisent quel devraient être les participants au Forum :


  1. Les institutions financières et les banques commerciales ;

  2. Les fonds climatiques ;

  3. Les gestionnaires de fonds et de biens ;

  4. Les investisseurs institutionnels, les banques d’investissement, les assureurs et le capital privé ;

  5. Les organismes de marché des obligations vertes et de la dette ;

  6. Les innovateurs privés ;

  7. Les décideurs publics, les donateurs, les agences des Nations Unies ;

  8. La société civile, les universitaires et les centres de réflexion.


Même en estimant qu’il suffit d’inviter des ‘innovateurs privés’ et la ‘société civile’ pour être sûr d’inviter une participation ‘massive’ des producteurs agricoles et de leurs organisations représentatives, on constate que, une fois de plus [lire], les principaux concernés, à savoir les producteurs agricoles, et notamment les plus de 500 millions de producteurs familiaux, seront virtuellement exclus du débat.


Sans doute, ici comme ailleurs [lire], les producteurs - et en particuliers les petits producteurs qui assurent la production de plus de 70% de notre nourriture - sont considérés par la Banque mondiale davantage comme des obstacles à l’évolution du secteur agricole que les premiers bénéficiaires du développement agricole, et cela malgré l’objectif déclaré de la Banque de « mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée de façon durable. »


Comment ne pas voir ici, un nouvel exemple de la tentative de main mise des grands investisseurs privés et de la finance internationale sur un domaine, l’agriculture et l’alimentation, qui a vu sa rentabilité augmenter considérablement depuis la crise alimentaire de 2007/2008, le rendant de plus en plus attractif pour la finance mondiale. C’est là une évolution semblable à celle observée dans le domaine de l’aide d’urgence et des programmes de protection sociale dans lesquels les grands opérateurs financiers jouent un rôle de plus en plus important.


La machine s’apprête à broyer le secteur agricole, quitte à faire des dizaines de millions de victimes parmi la population rurale, dans une poursuite du mouvement d’accaparement des terres et des ressources relancé au milieu de la première décennie de ce siècle [lire].



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Pour en savoir davantage :


  1. AgriFin, Financing Low-Carbon Resilient Agriculture, 2017 (en anglais)



Sélection d’articles déjà parus sur lafaimexpliquee.org et liés à ce sujet :


  1. Le climat change, l’alimentation et l’agriculture aussi, 2016

  2. Financement climat en faveur des pays pauvres : confusion, manque de transparence et probabilité de non respect des engagements pris, 2016

  3. L’Alliance mondiale pour une agriculture climato-intelligente : nouvelle arme du capitalisme éclairé ?, 2014

  4. Dans la tradition des grandes fondations privées : le gâchis de la Fondation Gates, 2014

  5. Promouvoir  une agriculture intelligente face au climat: pourquoi tant de timidité sur les politiques ?, 2013

  6. La terre: une ressource essentielle menacée et inégalement distribuée, 2013

  7. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur l’Afrique: à la conquête de la dernière frontière pour les marchés agricoles et alimentaires…, 2013


et tous les articles sous notre rubrique « Investissements »

 

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Dernière actualisation:    juillet 2017